Les enseignes du retail traditionnel ont connu un effet montagne russe spectaculaire depuis trois ans : Covid, confinements consécutifs, inflation, baisse du pouvoir d’achat… Le marché du prêt-à-porter à perdu 20% de valeur pendant la crise de 2020 et n’a pas réussi à récupérer son niveau initial depuis. Le mal-être de certaines enseignes a été renforcé par la situation économique et les crises successives, mais derrière cette analyse macro-économique réside une difficulté profonde de transformation qui date de bien avant la crise Covid-19 de 2020.

Une succession d’enseignes de prêt à porter français (André, San Marina, Camaieu, Kookaï…) a fait la une de la presse spécialisée et nationale avec des fermetures de magasins voire des liquidations. Ces enseignes ont tous des points commun : des enseignes dites « moyenne de gamme », proches des français et des françaises (notamment des années 80, 90 voire 2000) qui s’habillaient en sillonnant les centres commerciaux à la recherche du meilleur rapport qualité prix.

 

Pourquoi le milieu de gamme a perdu son attractivité ?

Le milieu, ou moyenne gamme représentait autrefois le bon rapport qualité/prix pour une consommation de masse, quelle que soit la tranche d'âge. Mais cette fameuse moyenne gamme a justement de plus en plus de mal à se positionner. Tout d’abord, le secteur a vu l’arrivée des enseignes internationales (Zara, H&M) avec une offre moyenne gamme de plus en plus concurrentielle et des acteurs de plus en plus nombreux. Une tendance a dernièrement faut bouger le positionnement dans ce secteur : le bas de gamme tire vers l’ultra bas de gamme et le haut de gamme, ou premium devient encore plus premium.

L’ultra bas de gamme (des acteurs phares de l'e-commerce et de la fast fashion tels que Shein) qui attire particulièrement des jeunes avec une offre très peu chère et adaptée aux nouvelles tendances, a tiré les prix vers le bas grâce aux conditions de travail peu décentes des travailleurs chinois. Beaucoup d’enseignes ont peiné à faire face à cette attractivité du peu cher et très rapide.

D’un côté, l’ultra bas de gamme attire les clients jeunes et en quête de nouveauté, de l’autre côté, les marques haut de gamme, ou plutôt premium ont connu un effet inverse grâce aux changements de modes de consommation qui tendent vers une « premiumisation » de certaines marques. Un client qui achète moins, qui souhaite acheter de manière plus responsable et qui est prêt à payer le prix pour être en adéquation avec ses propres valeurs.

 

Le tournant du e-commerce peu anticipé (ou trop tard)

En 2023, l'e-commerce ou commerce en ligne représente presque 20% du marché du prêt-à-porter. La modification des modes de consommation, qui a déjà commencé à changer pendant les années 2000 et 2010, s’est accélérée de manière significative pendant la période du Covid-19. Malgré un mouvement populaire pour soutenir les commerces de proximité et faire vivre les enseignes françaises qui ont énormément souffert des périodes de fermeture, les clients s'orientant de plus en plus vers le commerce en ligne. 

Certaines enseignes, déjà bien présentes dans l'e-commerce et ayant investies dans des stratégies digitales, voire multicanales, ont profitées pleinement de l’explosion des ventes en lignes en 2020 et 2021. La différence s’est jouée entre celles qui ont anticipé la transformation digitale, celles qui l’ont faite tardivement, et celles qui l’ont subie de manière brutale. Cette transformation digitale a permis aux enseignes d’assurer une croissance via un canal de vente qui promet facilité, rapidité et choix, mais également de se diversifier avec des activités à l’international via leurs sites internet en propre, voire les places de marché. Certains choix de gestion, comme ouvrir des points de vente alors que le marché continuait à chuter, n’ont fait qu’aggraver une situation déjà négative. 

 

 

L’évolution des modes de consommation : la mode durable et seconde main

Un nouveau type de consommateur plus responsable, plus engagé prend de plus en plus d’ampleur, bousculant les codes traditionnels du retail, et obligeant les marques et les enseignes à s’adapter à cette nouvelle réalité face au changement climatique. Plusieurs tendances majeures y sont associées.

Tout d’abord une prise de conscience de la nécessité de consommer moins, mieux et de manière plus responsable. Les clients recherchent de plus en plus les marques qui fabriquent des produits « Made in France » (ou au moins l’Europe), ayant parcouru moins de kilomètres, à la base de matières naturelles (qui ne contiennent pas de microplastiques qui polluent les rivières et les océans), recyclés et recyclables.

En parallèle de cette tendance, la montée en puissance de la seconde main, oblige les enseignes à repenser totalement leur façon de (re)créer de la valeur et de fidéliser le client autrement. La loi Agec (relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire) renforce l'appétence des marques pour la seconde main et pourquoi pas demain des offres de location plus répondues. Certaines enseignes ont su prendre ce virage avec une offre seconde main pour concurrencer des leaders de ce segment (Leboncoin, Vinted), proposant une offre plus responsable tout en fidélisant le client à leur marque. Certains enseignes externalisent la gestion de leur offre seconde main auprès d’acteurs spécialisés dans le secteur, tandis que d’autres font le choix de garder la maitrise de cette offre en interne pour monter en compétence et capitaliser sur les ressources internes. Ceci est le cas pour l’enseigne Petit Bateau qui a fait le choix stratégique d’internaliser la gestion de son offre seconde main. Disponible en boutique et sur le site internet de la marque, l’offre seconde main de Petit Bateau a connu un franc succès depuis son lancement en 2021.

 

Vers une transformation encore plus profonde du secteur

Pour certaines enseignes il est malheureusement trop tard pour instaurer cette transformation profonde, Pour d’autres, la transformation doit commencer très rapidement et s’inscrire dans la stratégie de l’entreprise au plus haut niveau. La transformation est certes numérique, mais les dirigeants doivent continuer à s'appuyer sur les fondations solides initiales afin d’anticiper une mutation dans la façon de consommer et les exigences des consommateurs.

Une veille innovation pour alimenter les transformations de demain

Comment s’informer et accompagner les transformations profondes pour rester compétitifs ? Cette transformation passe d’abord par une transformation managériale et devrait être portée par tous les collaborateurs de l’entreprise en partageant des informations qualifiées dans une démarche d’organisation apprenante. S’informer sur les nouvelles tendances, anticiper l’impact du changement de comportement du consommateur, analyser les axes de développement différenciants… la mise en place d’une veille innovation est un élément clé pour anticiper les mouvements du marché et prendre en main le destin de l’entreprise.