En tant que modèle de production et de consommation alternatif, l’économie circulaire a une incidence sur l’emploi et les compétences, tant en termes de risques que d’opportunités.

Elle représente en effet un vivier d’emplois, qui sont amenés à prendre de l’ampleur dans les années à venir.

Dans son livret « Economie circulaire et emploi : développer l’emploi et les compétences grâce à l’économie circulaire », ORÉE a mené une réflexion sur les liens entre l’économie circulaire, les emplois et le développement des compétences des individus.

 

Une règlementation qui se structure progressivement et impacte les modèles économiques au bénéfice des territoires

En mars 2020, la Commission européenne a dévoilé son plan d’action sur l’économie circulaire, qui prévoit notamment des mesures pour développer la création d’emplois et la formation en matière d’économie circulaire. De plus, dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, au sein duquel s’inscrit ce plan, l’Europe entend créer 700 000 emplois en lien avec l’économie circulaire d’ici 2030.

En France, la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et à l’économie circulaire, dite loi « AGEC », promulguée le 10 février 2020, entend accélérer le changement de modèle de production et de consommation dans le but de limiter les déchets et de préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. Elle vise ainsi à transformer l’économie linéaire, qui consiste à produire, consommer et jeter, en une économie circulaire. En favorisant la prévention des déchets et en encadrant strictement leur gestion, la loi AGEC participe à l’émergence de nouveaux modèles économiques et favorise la création et la pérennisation de nouveaux métiers.

Cette loi créée notamment des fonds réparation, financés par certaines filières pollueur-payeur, qui visent à encourager le consommateur à réparer plutôt qu’à racheter un produit neuf, ce qui représente un effet de levier sur la production d’emplois locaux non délocalisables. Elle favorise également les métiers liés à la gestion des déchets (collecte, transport, recyclage et valorisation), et, dans le cadre de la Responsabilité élargie des producteurs (REP), prévoit que les marchés passés par les éco-organismes incluent des critères relatifs à la prise en compte du principe de proximité et au recours à l’emploi de personnes bénéficiant du dispositif d’insertion par l’activité économique prévu par le Code du travail.

 

Un besoin de main d’œuvre important et une tendance à la mutualisation de moyens

D’une manière générale, les nouvelles filières de l’économie circulaire sont autant d’opportunités entrepreneuriales que de création d’emplois, souvent locaux, pérennes et non délocalisables. Aussi, le développement de l’économie circulaire va de pair avec le besoin de main d’œuvre. Selon le Ministère de la Transition Ecologique, l’économie circulaire permet de développer de nouvelles activités et de consolider des filières industrielles. A titre d’exemple, le développement d’activités de réparation des produits usagés, de réutilisation ou de recyclage des déchets génère de l’ordre de 25 fois plus d’emplois que la mise en décharge de ces déchets.
De plus, selon Pole Emploi, le recyclage et la valorisation des déchets apparaissent comme le deuxième poste le plus important en termes d’emplois.

Les dynamiques d’économie circulaire sont de fait porteuses de nouvelles opportunités économiques. Dans le domaine du textile, le renforcement des exigences règlementaires conduit à la création de nombreux emplois, avec à l’horizon 2030 un potentiel estimé à 3 000 emplois locaux sur le périmètre du Grand Paris dans la collecte, le tri, la réutilisation et la fabrication de vêtements en matières recyclées. De plus, selon une étude sur le potentiel de l’économie circulaire en Ile-de-France d’ici 2030 réalisée par Auxilia pour la Fondation JP Morgan, l’économie circulaire dans cette Région devrait engendrer la création de 25 000 emplois nouveaux dans le BTP liés au réemploi et aux biosourcés ; 2000 emplois liés à la création de 80 nouvelles recycleries et 5000 emplois créés par la filière biodéchets.

L’économie circulaire participe également aux démarches d’écologie industrielle et territoriale (EIT), qui correspondent à la mise en place de synergies : partage et mutualisation, échange de flux et création de nouvelles activités. Ces démarches peuvent générer de l’emploi, puisqu’en mutualisant leurs espaces, leurs livraisons ou encore leurs taxes professionnelles, les entreprises réduisent non seulement leur empreinte environnementale mais aussi les coûts associés à ces activités.

Un impact sur d’autres modèles, dépendants d’une économie linéaire

Toutefois, le passage à une économie circulaire risque d’impacter négativement certains autres pans de l’économie productive.

Avec la sobriété au cœur du réacteur, il est envisageable qu’une moindre consommation entraîne une moindre production. En tout état de cause, les emplois des activités basées sur l’extraction de ressources non-renouvelables devraient être amenés à décliner, notamment du fait de l’épuisement de ces ressources et du caractère non-soutenable du modèle sur lequel ces emplois se basent.

En outre, le passage à l’échelle des opérateurs de seconde main (reconditionnement, réparations), l’automatisation de tri des déchets ou encore la mécanisation de la logistique vont probablement conduire à la destruction d’emplois à faible qualification. Aussi, la question de la balance emplois créés vs emplois détruits par l’économie circulaire doit dès aujourd’hui être posée. Il est également essentiel d’anticiper l’adaptation des compétences aux emplois afin de maîtriser les conséquences des changements technologiques et économiques et ainsi de réduire les risques et les coûts liés aux déséquilibres.

 

Réinventer les savoirs et les compétences

La transition vers une économie bas-carbone ne pourra se faire sans un accompagnement des savoir-faire et une anticipation de la mutation des compétences nécessaires à l’avenir.

En France, la Feuille de route pour une économie circulaire (FREC), qui promeut 300 000 emplois supplémentaires, place la formation au cœur du dispositif, que celle-ci soit destinée directement aux salariés, aux entreprises ou encore aux élus et aux collectivités territoriales. L’évolution des métiers s’accompagne d’un besoin de montée en compétences. En 2018, la FREC a identifié des métiers d’avenir et formalisé 11 fiches métiers-compétences pour accompagner les enseignements et formations :

  • Ingénieur produits spécialiste de l’éco-conception ;
  • Animateur territorial spécialiste de l’EIT ;
  • Responsable de stratégie spécialiste de l’économie de la fonctionnalité ;
  • Acheteur public ;
  • Réparateur ;
  • Diagnostiqueur des déchets du bâtiment ;
  • Technicien de maintenance méthanisation dans le domaine agricole ;
  • Opérateur de tri des déchets plastiques ;
  • Ambassadeur / animateur « économie circulaire » ;
  • Concepteur d’espace de vente de produits de seconde main ;
  • Agent polyvalent de valorisation / valoriste.

L’économie circulaire représente pour les collaborateurs une occasion de diversifier les savoir-faire et de monter en compétences. A titre d’exemple, l’entreprise Murfy, spécialisée dans le dépannage électroménager, a, face au manque de techniciens qualifiés, décidé de créer son propre organisme de formation, la Murfy Academie, afin de former des techniciens aux métiers de la réparation et du reconditionnement d’appareil électroménagers. Les techniciens ainsi formés se voient proposer un CDI pour intégrer l’entreprise à l’issue de leur formation.

D’autre part, pour les personnes éloignées de l’emploi, certains secteurs de l’économie circulaire, tels que les activités de réparation ou d’allongement de durée d’usage, sont souvent investis par l’économie sociale et solidaire (ESS).

L’économie circulaire apparaît ainsi comme un levier puissant pour faire évoluer les métiers, savoir-faire, compétences et formations à la faveur de la transition écologiques.

 

La nécessaire prise en compte des enjeux sociaux et organisationnels

Le déploiement de l’économie circulaire implique aussi la prise en compte des impacts de l’évolution des activités sur la santé et la sécurité au travail. En effet, bien que porteuse de sens, la transition vers une économie circulaire est aussi porteuse de risques sur les métiers, la santé au travail et les compétences.

Selon un exercice prospectif mené par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le déploiement de l’économie circulaire peut représenter certains risques tels que des enjeux psycho-sociaux. A titre d’exemple, « le métier du marketing ne sera plus de trouver à vendre un maximum sur un critère de possession », mais d’inciter à une consommation raisonnée et d’assurer la promotion des produits selon des critères de longévité et de qualité ». Selon l’INRS, les modifications liées à l’économie circulaire peuvent ainsi causer une profonde mutation de ces métiers, qui doit être comprise, anticipée et accompagnée afin d’éviter le mal-être des collaborateurs.

Les enjeux organisationnels, par exemple liés au nécessaire décloisonnement des activités ou aux tendances d’optimisation de la production et de robotisation, ont également été mis en avant par cet exercice prospectif, tout comme les risques mécaniques et biologiques (augmentation des cadences sur les chaînes de tri par exemple, pouvant engendrer des troubles musculosquelettiques). Des risques qu’il conviendra de prendre en compte dans la mise en œuvre de l’économie circulaire : accompagnement des collaborateurs, formations, démarches de prévention, etc.

Aussi, l’économie circulaire participe à l’émergence de nouveaux modèles économiques et entraîne des gains de compétitivité permettant de stabiliser et de développer des emplois, de créer des synergies, de nouveaux métiers et de générer de nouvelles opportunités tout en étant un terrain favorable à la réinsertion de publics éloignés de l’emploi. Les enjeux sociaux telles que les évolutions de métiers, ceux autour des conditions de travail ou encore de la performance économique (anticipation des besoins de compétences, diversification des profils, etc.) doivent être pris en compte. Pour ce faire, la publication d’ORÉE identifie des axes de progression pour les organisations, notamment :

  • Développer l’expertise « ressources » au sein des entreprises et des territoires (formation des managers à la question de la finitude des ressources, déploiement au sein des outils de gestion, etc.) ;
  • Repenser les contours de la formation. La formation aux nouveaux métiers de l’économie circulaire est incontournable pour préparer la main d’œuvre nécessaire à la transition ;
  • Doter les territoires d’indicateurs de suivi pour mesurer l’évolution de l’emploi. Cela permettrait de comprendre le poids de l’économie circulaire dans l’économie territoriale et de mesurer le potentiel de relocalisation.

 

Observatoire Développement Durable en partenariat avec Oréele 18 janvier 2023.

L'application mobile

Ne perdez pas le fil !

Les observatoires délivrent des publications synthétiques permettant de suivre et de décrypter les grandes mutations en cours avec une vision globale et transversale. Citoyens, étudiants, dirigeants, collaborateurs, territoires : l'objectif est de permettre à chacun de prendre position et de réagir à son échelle en partageant un socle commun d'informations. 

EN SAVOIR PLUS

 

 

 

Partager cet article
Partager sur FacebookPartager sur TwitterEnvoyer à un amiCopy to clipboard