D’après le Ministère de la Transition Ecologique, le secteur du bâtiment (résident et tertiaire en incluant la construction et l’usage) génère près de 25% des émissions de gaz à effet de serre français et représente 44% de la consommation d’énergie. Aussi, la transition écologique du bâtiment est un enjeu central dans la lutte contre le changement climatique et l’évaluation de la performance carbone d’une construction est aujourd’hui une priorité. Plusieurs solutions émergent dans le but de répondre aux objectifs ambitieux en la matière.
Avec la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020), de nouveaux objectifs de décarbonation s’imposent aux acteurs du bâtiment. Cette règlementation, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, a concerné dans un premier temps les maisons individuelles et les logements collectifs, et s’inscrit dans une action continue et progressive en faveur de bâtiments moins énergivores, dans un objectif plus large d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Depuis le 1er juillet 2022, le décret sur la RE2020 impose de nouvelles exigences pour la construction de bâtiments tertiaires courants (bâtiments de bureau et d’enseignement primaire ou secondaire).
La grande nouveauté de la RE2020 réside en effet dans la prise en compte de l’impact en émissions de carbone sur le cycle de vie du bâtiment, de sa fabrication à sa déconstruction, pour une durée de vie de référence égale à 50 ans. Ces impacts comprennent à la fois :
- Les émissions de carbone liées aux consommations d’énergie ;
- Les émissions de carbone des composants.
Cette nouvelle règlementation, qui entraîne avec elle de nouveaux enjeux et de nouvelles évolutions de compétences individuelles et collectives, invite notamment à réfléchir au paradoxe des performances énergétiques, carbone et confort d’été, ainsi qu’aux impacts pour le secteur du bâtiment qui fait face, dans le même temps, à la volatilité des coûts.
Une nouvelle règlementation ambitieuse et exigeante
La RE2020 affiche des objectifs ambitieux de réduction des émissions carbone du bâtiment : -35 % pour 2031.
Les objectifs poursuivis par cette nouvelle règlementation énergétique et environnementale, prévue par la loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique), sont divers : amélioration de la performance énergétique des bâtiments, baisse des consommations, préparation aux conditions climatiques futures ou encore diminution de l’impact en prenant en compte l’ensemble des émissions sur le cycle de vie.
Avec cette règlementation, trois domaines sont concernés par les exigences de résultat : perméabilité à l’air de l’enveloppe, vérification des systèmes de ventilation et vérification du bilan carbone.
La RE2020 entre en application avec un calendrier progressif, selon la date de dépôt du permis de construire, et implique plusieurs grandes nouveautés par rapport aux règlementations précédentes, tel qu’un nouveau mode de calcul des émissions de gaz à effet de serre, qui repose à présent sur une méthode dynamique, ou encore une obligation de vérifier les systèmes de ventilation et leurs mesures de performances.
Depuis le 1er juillet 2022, les bâtiments tertiaires sont également concernés par cette Règlementation. Le décret de la RE2020 fixe notamment les seuils des indicateurs « Ic énergie » et « Ic construction », qui expriment l’impact sur le changement climatique de la consommation d’énergie primaire et des composants de ces bâtiments. Les extensions de ces constructions et les constructions provisoires le seront à leur tour à partir du 1er janvier 2023. Cette règlementation va en effet évoluer par palier, et sera de plus en plus exigeante.
La méthode d’Analyse du cycle de vie et le confort d’été
La RE2020 ne porte pas uniquement sur l’aspect énergétique en phase d’exploitation d’un bâtiment. Elle introduit des exigences sur le confort d’été et les émissions de gaz à effet de serre sur tout son cycle de vie, c’est pourquoi c’est la méthode d’analyse du cycle de vie (ACV) qui a été choisie. Il s’agit ainsi de prendre en compte les impacts environnementaux tout au long du cycle de vie du bâtiment, de l’extraction des matières premières à la déconstruction, en passant par les phases de construction et d’exploitation.
En outre, l’introduction d’un nouvel indicateur de confort d’été basé sur les degrés-heures d’inconfort dans la RE2020 est l’une des plus grandes nouveautés de cette règlementation. Son objectif vise à favoriser les solutions de refroidissement passives, tel que les volets et les stores. Ainsi, il est désormais nécessaire de calculer le nombre d’heures sur l’année au cours desquelles une température de confort est dépassée à l’intérieur d’un bâtiment, une température fixée à 28°C le jour et 26 °C la nuit.
Un exemple de réponse aux exigences de la RE2020 : l’aménagement des combles
Les combles aménagés sont un levier central pour répondre aux exigences de la nouvelle règlementation. En effet, compte tenu de son inclinaison, le toit reçoit une part plus importante du rayonnement solaire dans l’année. Bien que cela puisse être bénéfique en hiver, il convient de le prendre en compte afin d’éviter des effets indésirables sur le confort en été. Plusieurs leviers permettent de limiter ces risques, comme le fait d’avoir une isolation thermique performante, équiper les fenêtres de vitrages à contrôle solaire ou encore, lorsque possible, ajouter des stores pare-soleil ou volets roulants qui permettent de passer d’une protection de 77% à 90%, voire 95%.
Les matériaux biosourcés : une réalité de terrain et une offre qui se renforce
Au-delà de la gestion des ressources et des principes d’économie circulaire, le stockage de carbone biogénique et l’ACV dynamique retenus dans la RE2020 vont rendre les matériaux biosourcés indispensables dans le secteur du bâtiment. De nombreuses solutions sont déjà présentes : on retrouve en effet des solutions biosourcées dans nombre de matériaux concernant la structure (charpente par exemple), les isolants (semi-rigides, rigides, bétons végétaux, etc.) ou encore les revêtements de murs (bardage notamment) ou de toiture (chaume). Visible notamment sur les isolants, le nombre de produits biosourcés augmentent significativement ces dernières années : on estime aujourd’hui que la part d’isolants biosourcés représente 10 % du marché de l’isolation.
Des solutions techniques énergétiques pour chauffer et produire l’eau chaude
Pour chauffer et produire l’eau chaude sanitaire des bâtiments, il existe une multitude de solutions décarbonées : réseaux de chaleur, bois énergie, solaire thermique, etc. Il s’agit aujourd’hui de consommer moins et mieux de l’énergie, et de privilégier le recours aux énergies peu émettrices de gaz à effet de serre pour décarboner les usages.
Concernant les maisons individuelles, afin de respecter les exigences de la RE2020, les équipements resteront majoritairement la chaudière à bois, la pompe à chaleur, et le raccordement à un réseau de chaleur alimenté par des énergies renouvelables. Pour les immeubles collectifs, les chaudières gaz double-service, individuelles ou collectives, restent éligibles jusqu’en 2025. Elles laisseront ensuite place à des solutions 100% pompes à chaleur (PAC), aux réseaux de chaleur alimentés à plus de 60% par des énergies renouvelables et de récupération, et à des systèmes mixtes (chaudière gaz pour le chauffage des locaux et pompes à chaleur pour l’eau chaude sanitaire) dans un bâtiment bien isolé. La PAC air/eau devrait devenir une solution de référence pour le chauffage collectif des locaux et de l’eau chaude sanitaire (ECS). A date, seuls 7% des logements collectifs neufs sont chauffés par une PAC et 13% en sont équipés pour l’eau chaude sanitaire.
La décarbonation du logement neuf passe par l’hybridation des énergies et l’open innovation. Au-delà de l’optimisation technico économique, le couplage des énergies, par les solutions de chauffage dans le neuf, permet de bénéficier du meilleur des deux mondes, au bénéfice des habitants et de l’environnement. A moyen-terme (horizon 2030/2035), le déploiement en masse de la technologie hybride permettrait de contrecarrer la croissance de la pointe électrique. Comme le relève RTE dans son étude sur la décarbonation du chauffage dans le secteur du bâtiment à l’horizon 2035, « le déploiement de chaudières hybrides à la place de pompes à chaleur classiques conduirait à diminuer la pointe de 1,4 GW par million d’installations ».
De nouveaux enjeux et outils clés pour maîtres d’ouvrages et bureaux d’études
Concernant la gestion des projets de construction, le BIM – Builing Information Modeling (« modélisation des informations du bâtiments »), qui se base sur une maquette 3D contenant des données fiables et structurées, semble aujourd’hui être un outil clé pour choisir des matériaux de construction, en fonction de leurs composants, de leur provenance, et donc de leur impact carbone. Contrairement au fonctionnement classique en silo, le BIM offre une vision globale des impacts du projet sur l’environnement, et par conséquent des moyens de les optimiser. Sur ce même modèle, on trouve le RIM – Ressource information modeling, pour la partie déconstruction, qui établit un diagnostic des matériaux utilisés, en fonction de leur capacité à être recyclés ou réemployés, et qui offre une traçabilité des données qui sera mise à jour pendant toute la vie de l’équipement.
Un bouleversement des pratiques architecturales
Les façades, menuiseries extérieures et bardages représentent environ 17 % de l’impact carbone en moyenne des immeubles de bureau. En vue de l’évolution des seuils d’impact carbone à venir, la réduction d’impact des lots s’annonce colossale. Pour ce faire, il est important d’avoir une connaissance approfondie des impacts carbone de chaque matériau. Dans le cas du verre par exemple, l’épaisseur d’un vitrage et les différentes transformations (assemblage en double vitrage, feuilletage, etc.) vont influencer directement l’impact sur le réchauffement climatique. Pour l’aluminium, il convient notamment de définir précisément la provenance et le taux de recyclage, etc.
Par ailleurs, la construction bois connaît un regain d’intérêt au niveau national ces dernières années, notamment avec la mise en place de la RE2020. En effet, l’analyse de cycle de vie du bâtiment met en avant la construction bois par rapport aux autres systèmes constructifs grâce à son impact carbone limité. Cependant, son cadre réglementaire évolue très vite et il devient essentiel de le maîtriser dès les premières phases de conception.
Moyens de contrôles et pénalités
Concernant les contrôles, en signant le formulaire de demande de permis de construire, le maître d’ouvrage déclare avoir pris connaissance des règles de construction (dont la RE2020), et doit s’engager par écrit à les respecter lors de la construction du bâtiment. Des agents commissionnés et assermentés de l’État ont le pouvoir de contrôler les constructions jusqu’à 6 ans après l’achèvement des travaux, en demandant des documents relatifs à la construction d’un bâtiment, en visitant la construction et en procédant aux vérifications jugées utiles. Le non-respect des règles de construction constitue un délit, passible de sanctions pénales. Les sanctions peuvent aller jusqu’à une amende de 45 000 €, qui peut être complétée de 6 mois d’emprisonnement en cas de récidive.
Des limites à la règlementation identifiées
Selon nombre d’experts, c’est la rénovation des bâtiments existants qui constitue l’enjeu essentiel pour la décarbonation. Cependant, la décarbonation du bâtiment est systématiquement associée à l’électrification massive des usages. Il est important de rappeler que la France est le pays d’Europe le plus thermosensible électriquement. Les besoins énergétiques sont couverts actuellement par 6 grands vecteurs énergétiques (le gaz, l’électricité, le propane, le fioul, le bois et les Réseaux de chaleur urbains). Le gaz, progressivement renouvelable, couvre jusqu’à 40% de ces besoins en période froide. Par ailleurs, le chauffage des bâtiments est à lui seul responsable de 60 à 70% de la pointe électrique hivernale du fait du développement du chauffage électrique. L’installation systématique de PAC électriques en remplacement du fioul ou du gaz, souvent sans travaux d'isolation associés, aura des conséquences importantes sur l’équilibre offre/demande d’électricité, déjà sensible chaque année à l’approche de l’hiver.
L’introduction de la dimension carbone au sein du bâtiment est une avancée : la RE2020 comprend en effet des évolutions importantes et des nouveautés qui ont notamment un impact sur le choix des équipements dans les futurs bâtiments. Elle permet aussi de mettre en lumière des modes constructifs plus vertueux et en phase avec les objectifs nationaux de réduction de gaz à effet de serre, tels que l’intégration et la promotion du recyclage, ou l’amélioration de l’efficacité énergétique des appareils de production.
Bien que le gros œuvre seul représente une part importante des émissions, ce dernier ne saurait constituer le seul levier d’action pour réduire l’impact environnemental des bâtiments neufs. Aussi, la décarbonation est l’affaire de tous : fournisseurs de matériaux, architectes, concepteurs, constructeurs, bureaux d’études, etc. Chacun a son rôle à jouer pour concevoir et bâtir des lieux de vie à impact environnemental réduit.
Répondre aux exigences de la RE2020 implique donc de penser autrement les ouvrages et de promouvoir l’innovation, tout en n’occultant pas les impacts indirects des choix énergétiques effectués sur les usages et sur le système d’approvisionnement énergétique.
Retrouvez l’intégralité de la réflexion menée par des professionnels du secteur autour de cette nouvelle règlementation dans le dossier publié par Construction 21.
Observatoire Immobilier en partenariat avec Construction21, le 28 septembre 2022.
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