210 millions : il s’agit du nombre d’Européens qui ne sont pas suffisamment actifs physiquement au quotidien, ce qui représente près d’un Européen sur trois.
Les comportements de plus en plus sédentaires contribuent de manière non négligeable à la propagation de l’obésité ainsi qu’au taux élevé de maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires, les cancers, les maladies respiratoires chroniques et le diabète.
Selon l’Organisation Mondiale pour la Santé (ci-après OMS), le nombre d’adolescents obèses continue d’augmenter dans les pays d’Europe début 2022 : 19% d’adolescents européens sont en situation de surpoids ou d’obésité, et seulement 16% des 15 ans et plus atteignent les niveaux recommandés d’activité physique. De plus, l’inactivité physique est responsable à elle seule de 10 % des décès en Europe.
A l’inverse, l’activité physique peut diminuer significativement la mortalité précoce. La relation entre l’activité physique et le bien-être est incontestable, et les coûts de santé liés aux conséquences de l’inactivité sont largement reconnus comme étant un problème majeur de santé publique. Aussi, il est aujourd’hui primordial que les villes repensent la manière dont elles envisagent leur expansion et conceptualisent leurs infrastructures afin de promouvoir et de faciliter l’accès aux pratiques physiques et sportives. En outre, en dehors de la santé, très peu d’attention est accordée aux bénéfices plus larges de l’activité physique (intellectuel, financier, personnel, etc.).
Que signifie être actif ?
Selon l’OMS, « être actif », c’est pratiquer au moins 1H d’activité par jour pour un enfant, et minimum 2H30 par semaine pour un adulte. L’activité physique ne fait pas uniquement référence au sport, elle regroupe à la fois les activités quotidiennes (jardinage, marche, etc.), ainsi que la pratique sportive. Aussi, elle se définit par « tout mouvement produit par la contraction des muscles entraînant une augmentation de la dépense énergétique au-dessus de la dépense de repos ».
Un accès inégal à la pratique sportive
Nous ne sommes pas tous égaux face à l’accès et à la pratique des activités physiques et sportives. En effet, de manière générale, les filles et les femmes sont moins actives que les garçons et les hommes. On peut notamment expliquer cette inégalité par un manque de temps (inégalité dans la répartition des tâches ménagères) ou encore par la faible médiatisation du sport féminin (manque de modèles identificatoires, persistance des stéréotypes de genre dans le sport, etc.).
Cette inégalité de pratique est également générationnelle, puisque les seniors sont moins actifs que les jeunes adultes.
L'importance, pour les villes, d'agir
La sédentarité est étroitement liée aux modes de vie et d’aménagement urbains. En effet, l’urbanisation est souvent synonyme de forte dépendance aux transports motorisés et d’accès limité aux espaces verts et de loisirs, réduisant les opportunités de pratiques d’activité physique. Aujourd’hui 75% des Européens vivent en ville, et on estime que ce taux sera de 80% d’ici 2030. Malheureusement, l’organisation des villes n’est pas toujours favorable aux pratiques actives. Le Think Tank Sport et Citoyenneté estime que « les politiques locales de promotion de l’activité physique demeurent à ce jour quasi inexistantes, alors même qu’elles affectent directement les citoyens, bien plus que les politiques nationales ou européennes ».
De plus, le manque d’activité physique représente un coût annuel de 80 milliards d’euros au sein de l’UE28 et 66% des décideurs locaux européens ne sont pas conscients des niveaux de l'inactivité physique en Europe, ni de ses conséquences. Il est donc essentiel d’accroître la capacité des habitants de zones urbaines à être physiquement actifs.
Selon Bogdan Wenta, ancien Vice-président de l’Intergroupe Sports du Parlement Européen, les grands défis autour du sport que les villes européennes vont devoir relever sont le fait de garantir une bonne qualité de l’air pour la création d’environnements urbains propices à la pratique sportive de plein air et de rendre le sport accessible à tous, notamment aux personnes en situation de handicap ou vivant dans des quartiers défavorisés.
Des tentatives de réponses au niveau européen avec le projet PACTE
Face à ces enjeux, Sport et Citoyenneté a lancé en 2018 son projet PACTE, « Promouvoir les villes actives dans toute l’Europe », une initiative de 3 ans qui s’adresse directement aux villes. Le projet, qui s’est appuyé dans un premier temps sur les résultats d’une enquête menée auprès de villes et municipalités européennes (663 enquêtes complétées), vise à fournir aux administrations locales des ressources et des outils pour lancer des plans d'action en faveur de l'activité physique, les aider à trouver des solutions aux problèmes de santé publique et à trouver la voie pour devenir des villes actives. Parmi les outils se trouvent notamment une matrice, dont l’objectif est de permettre aux municipalités de développer un plan d’action personnalisé pour devenir une « ville active ».
Selon l’enquête menée, il ressort que l’activité physique est largement reconnue comme étant un domaine de compétences important pour les municipalités, et étroitement lié à de nombreux autres domaines de compétences tels que l’éducation, la santé ou encore la planification urbaine. De plus, les collectivités locales jouent un rôle essentiel afin de garantir l’accès à une grande variété d’activités physiques, bien que cela varie considérablement en fonction des régions et du contexte.
D’autre part, 78% des municipalités interrogées ont déclaré disposer d’une politique d’activité physique, et plus de 50% ont indiqué qu’aucun système de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre de la politique n’était en place. Sur une échelle de 0 à 100, les villes et municipalités interrogées ont donné un score de 70 quant à l’importance d’augmenter les niveaux d’activité physique par les villes, en comparaison aux autres domaines d’actions. Autre résultat de l’enquête : bien que 60% des municipalités ont indiqué connaître les concepts de "ville active" et de "communauté active", 58% ont indiqué ne pas être membres d'un tel réseau.
Il apparaît également que le nombre de villes ou de municipalités disposant de stratégies établies de communication visant à sensibiliser et à promouvoir les avantages de l'activité physique était relativement faible (41%), et qu’il existe une grande disparité dans la promotion de l’activité physique par les Gouvernements européens en fonction des cibles. En effet, les personnes en situation de handicap ainsi que la population active sont les personnes les moins ciblées, quand les enfants, les familles, les personnes âgées et les groupes de population à faible revenu sont clairement identifiés comme étant directement dans le viseur des villes et des municipalités. De plus, rares sont les projets municipaux qui sensibilisent à l’importance de la mobilité active en s’adressant directement aux comportements des citoyens. Par ailleurs, les municipalités ne développent pas suffisamment de partenariats et la collaboration intersectorielle fait également défaut dans ce domaine.
En Europe, les villes sont de plus en plus nombreuses à prendre en compte le rôle de la mobilité active, du sport et de l’activité physique. En termes de transport, la ville de Lisbonne a par exemple adopté un nouveau paradigme de mobilité fondé sur la promotion des espaces piétonniers, du vélo et de l’utilisation des transports publics. Concernant les loisirs, elle a mis en place différents programmes, comme le programme Lisboa +55, qui vise à encourager l’amélioration de la qualité de vie, la réduction de la sédentarité et la création d’habitudes de vie saines parmi la population âgée. La capitale portugaise suit également une approche innovante et globale autour de l’éducation par le sport, en utilisant l’activité physique et sportive comme un moyen de promouvoir la réussite des étudiants, des modes de vie sains ainsi que les valeurs et principes associés à une citoyenneté active.
Conscients des enjeux autour de la pratique d’activités physiques et sportives, la ville de Liverpool s’est également engagée dans un programme de « Ville Active » pour encourager les citoyens à changer leur mode de vie de manière durable, tout en permettant d’accroître le niveau d’activité physique et le bien-être de ses habitants. La ville a ainsi constaté une réduction de 45 % de l'absentéisme, alors que de nombreuses entreprises ont mis en place la possibilité de pratiquer une activité physique et sportive sur le lieu de travail.
On constate également que le vélo comme mode de transport actif et durable, ayant un impact positif sur la santé et l’environnement, se développe de plus en plus. Le vélo peut être une solution permettant de prévenir les maladies non transmissibles, notamment les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux ou encore le diabète ou le cancer. Dans la région européenne, ces maladies non transmissibles sont responsables de plus de 70% de tous les décès. La pratique régulière du vélo, par exemple pour se rendre au travail, peut réduire le risque total de mortalité d’environ 10% selon l’OMS.
Après 3 années de réflexion, le projet PACTE a mis en avant plusieurs idées clé et recommandations. Il est évident que la participation des villes comment actrices du changement constitue une des principales réponses à apporter. Aussi, les dirigeants locaux, notamment les maires, ont un rôle central à jouer en matière de promotion et de développement de l’activité physique au niveau local. L’activité physique doit aujourd’hui être rendue possible dans les lieux où citoyennes et citoyens vivent, travaillent, apprennent et jouent au quotidien. Aussi, elle doit être intégrée dans l’environnement bâti et les dirigeants et planificateurs urbains doivent, de fait, investir de l’énergie dans les lieux où les citoyens passent le plus de temps (école, travail et transport). Il s’agit également de développer l’éducation active, la mobilité active, les évènements actifs ainsi que les partenariats actifs.
Une alliance inter et multi sectorielle indispensable
Le secteur de la santé n’est pas le seul à posséder les capacités requises pour la mise en œuvre de mesures permettant aux habitants de réaliser davantage de pratiques physiques et sportives. Il est essentiel que cette problématique soit prise en compte par d’autres secteurs, tel que celui du transport, de l’éducation ou encore la planification urbaine. En ce qui concerne la planification urbaine, on note depuis quelques années une attention qui s’oriente de plus en plus vers les habitants et la promotion de la mobilité active (prise en compte par exemple des besoins des cyclistes et des piétons par une amélioration de la planification des transports, en combinant des mesures de modération automobile avec des voies piétonnières reliées entre elles).
Outre les villes et les municipalités, les entreprises ainsi que tous les lieux de vie ouverts ou fermés peuvent jouer un rôle face à l’inactivité physique. Ce sont en effet autant de lieux à investir pour contribuer à cet objectif de développement de la pratique physique et sportive. La mobilisation de tous autour d’une vision partagée : acteurs institutionnels, enseignants, éducateurs, etc. est nécessaire.
Les villes reconnaissent progressivement l'importance de l'activité physique pour leur attractivité et leur compétitivité, ainsi que pour le bien-être de leurs citoyens. Il ne fait aucun doute que la participation à une activité physique est fortement influencée par l'environnement bâti, naturel et social dans lequel les gens vivent. Les villes et les municipalités ont un rôle crucial à jouer dans la création d'environnements qui favorisent l'activité physique et, par conséquent, la santé.
En France, conscients que les pouvoirs publics locaux ont un rôle à jouer important en orientant l’urbanisation vers la création d’environnements dédiés au sport et à l’activité physique, le ministère des Sports, l’association nationale des élus en charge du sport (ANDES) et l’UNION sport & cycle ont créé en 2016 le Label Ville active et sportive. Ce label valorise les initiatives locales en faveur des activités ludiques, physiques et sportives. Toutes les villes de France métropolitaine, d'Outre-mer et des collectivités d’Outre-mer sont invitées à participer. Il s’agit en effet de récompenser les villes qui développent et mettre en œuvre une politique sportive accessible au plus grand nombre. Depuis 2017, ce sont 535 villes qui ont été labellisées.
Observatoire Sport en partenariat avec Sport et citoyenneté, le 16 mai 2022.
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